Overcap a reçu deux médailles au Concours Lépine International Paris. Cette double récompense est peu courante dans ce concours prestigieux !
Le fondateur d’Oxaz nous partage son expérience sur le long chemin de la création de cette capuche toutes saisons qui révolutionne la protection météo.
Une expérience personnelle
« Depuis tout petit, il passe des heures dehors à observer les petites bêtes » est l’une des phrases que ma mère prononçait régulièrement à mon sujet. Il est vrai que j’en passais du temps dans le jardin, à grimper dans le vieux saule pour y lire un bon livre et écouter les oiseaux, à m’allonger dans l’herbe pour suivre les activités empressées des fourmis, des abeilles et autres insectes, à contempler les détails d’une écorce ou d’une feuille…
Du temps dehors, j’en passe encore aujourd’hui dès que je peux, notamment l’été en montagne avec ma petite famille. Nous randonnons tôt le matin pour profiter de la nature en toute tranquillité en respectant le silence de la nature qui s’éveille. Les conditions sont propices aux observations, aux découvertes, aux belles rencontres.
Toutefois, la météo n’est pas toujours clémente et peut transformer une sortie en une session inconfortable voir pénible. Un jour d’été 2012, dans les Alpes, le temps s’est dégradé rapidement et nous avons dû sortir les fameuses vestes de pluie. Or il restait bien deux heures de marche avant de terminer notre boucle. La pluie s’est renforcée petit à petit, le vent s’en est mêlé.
C’est là que nous avons constaté une fois de plus que les capuches ne sont ni pratiques ni confortables ! Comme il y avait du vent, nous avions serré les capuches contre la tête, pour qu’elles ne s’envolent pas. Résultat : la sensation d’être un morceau de viande emballé sous cellophane… Certains d’entre nous luttaient pour que la capuche ne retombe pas sur les yeux à chaque mouvement de la tête… Non protégé, notre visage était trempé et nos lunettes étaient devenues un écran flou… Le frottement du tissu contre la tête et les oreilles rendait impossible toute discussion sans hausser le ton. La petite dernière en a eu marre bien avant la fin et voulait rentrer à la maison. Vous voyez le tableau ?
Ma compagne me dit alors « un parapluie ça protège mieux mais ce n’est pas pratique non plus. Tu es designer, tu ne pourrais pas créer un ‘parapluie sans les mains’ ? ». Je n’ai pas réagi immédiatement mais je n’ai pas pu m’empêcher d’y réfléchir…
En réalité, la capuche on s’en sert en dernier recours. On la sort le plus tard possible. On l’on utilise dans l’idée que ce sera temporaire, en attendant que le mauvais temps passe. Ce n’est pas un véritable accessoire de protection pensé pour être véritablement pratique et confortable. On n’imagine pas vraiment l’utiliser dans la durée. C’est un peu la fonctionnalité « oubliée » par les marques de vêtements. Finalement, la capuche n’a pas évolué depuis des années… C’est donc un champ de créativité potentielle à investiguer !
L’inspiration
Avant de chercher une solution, j’ai cherché le fond du problème. Pourquoi la capuche n’est-elle pas pratique ni confortable ? Pourquoi ne voit-on pas sur les côtés lorsqu’on tourne la tête ? Pourquoi s’envole-t-elle si facilement ? Pourquoi faut-il la serrer fortement sur la tête pour limiter cela ? Pourquoi n’entend-on plus les bruits alentour ? Pourquoi a-t-on cette sensation d’étouffement ?
La réponse est que la capuche touche la tête, contrairement au parapluie. Mais le parapluie ne tient pas tout seul, il faut une main pour le tenir. Et la capuche tient – à peu près bien – justement car elle touche la tête.
Ainsi, il serait judicieux que la capuche ne touche pas la tête. Mais il faudrait qu’elle soit tenue par autre chose que la main ou la tête. Comment faire, existe-t-il une solution ?
Passionné de nature, je connais le biomimétisme et j’admire les solutions fondées sur la nature. Le train japonais Shikanzen inspiré de la tête du martin-pêcheur, le Velcro inspiré de la plante Garance voyageuse, les revêtements déperlants inspirés de la feuille du Lotus, etc. J’ai donc cherché à savoir comment la nature se protège, physiquement, mécaniquement. Comment se comporte-t-elle face aux intempéries, que ce soit la pluie, le vent ou même le soleil de plomb ?
J’ai réussi à lister un certain nombre de « stratégies biologiques » mises en œuvre par des animaux ou des plantes. Un exemple simple : le tatou et le cloporte utilisent une carapace à la fois dure et robuste mais qui se replie de façon compacte. Autre exemple, certaines fourmis du désert ont des poils minuscules sur leur corps qui dévient les rayons du soleil. Les escargots du désert ont quant à eux une double stratégie. Ils maintiennent une poche d’air isolante entre leur corps et la paroi de leur coquille la plus exposée à la chaleur. De plus, la couleur claire et la forme arrondie de leur coquille dévient les rayons ardents du soleil, le vent et la pluie.
Le premier concept
A partir de cette base documentaire, une sorte de concept flou commençait à s’esquisser. Une coquille, une carapace…
J’ai également cherché quelles étaient les protections météo utilisées actuellement, pour les activités outdoor. Ma recherche a porté sur toutes les situations de la vie. Un accessoire a fini par attirer mon attention : la capote des poussettes pour les enfants. Son aspect ressemble à celui d’une carapace. Son existence montre qu’il existe solution technique et industrielle éprouvée, pour une manipulation – une expérience utilisateur – simple.
Une solution a émergé : transposer la capote de poussette pour la tête d’un adulte permet de créer une « carapace » de protection et une couche d’air autour de la tête, sans toucher celle-ci ! Cette capote repose sur les côtés de la tête, donc… sur les épaules de l’utilisateur. Mais comment l’attacher aux épaules ? Via des bretelles… or il existe déjà des bretelles sur… les sacs à dos !
Un premier dessin, un premier schéma me permettent de voir rapidement des contraintes contradictoires. La capote-capuche doit se déployer avec un mouvement circulaire, sinon la solution ne sera pas industrialisable facilement et sera onéreuse. Mais pour que la capote-capuche puisse se déployer à partir des épaules sans toucher la tête, elle doit faire une taille minimum. Ce diamètre minimum, qui dépend de la hauteur de la tête, de la hauteur du cou… est d’environ 70 cm, soit la largeur des épaules. Or les bretelles de sacs à dos appuient sur l’intérieur des épaules et non l’extérieur. Cela ne fonctionne donc pas…
Ainsi, pour que la capote-capuche soit plus petite et passe au-dessus de la tête, son axe de rotation doit se situer plus haut, au niveau des oreilles. C’est cela ! Il faut ajouter un rehausseur, quelque chose qui maintient l’axe de rotation à cet endroit ! Le premier concept était né !
J’ai immédiatement créé une maquette à l’aide de fils de fer d’un reste de grillage du jardin, dans ma cuisine (le garage, ce sera pour la seconde maquette 😉). Ma compagne Pauline a cousu très grossièrement un morceau de vieux couvre-lit dessus. Le résultat était… très moche, mais montrait que cela pouvait fonctionner !
Et la concurrence ?
Premier réflexe avant d’aller plus loin : chercher s’il n’existe pas déjà un produit qui résoud le problème, une capuche alternative, ou un autre accessoire. En effet, comme dit le dicton « toutes les idées sont dans l’air du temps ». Si vous avez une idée de solution à un problème, il y a de fortes chances qu’une autre personne dans le monde ait eu le même problème et déjà imaginé une solution !
L’accès aux connaissances est facile aujourd’hui, il y a les moteurs de recherche sur internet. Il y a aussi les moteurs de recherche des organisations internationales de la propriété intellectuelle. Les dépôts de brevets, de marques et de dessins et modèles sont accessibles au grand public, pour le monde entier.
Après des heures de recherches, bingo ! J’ai trouvé une quinzaine de brevets, basés à partir du même constat et avec des concepts semblables au mien ! Certains brevets déposés datent même du début du XXe siècle ! En 1908 en France, en 1931 aux USA… Patatras, c’était la fin des haricots…
… ou pas ! Une fois passés le choc et la déception, j’ai analysé les brevets et leurs revendications.
Je me suis rendu compte qu’aucune des solutions techniques brevetées ne laisse le dos libre lorsque la capuche est repliée : première bonne nouvelle ! De plus, aucun de ces concepts n’intègre le système de rehausseur tel que je l’ai imaginé. Seconde bonne nouvelle ! Après confirmation auprès d’un expert en propriété intellectuelle, j’ai conclu que mon concept n’était pas mort !
Y a-t-il un marché potentiel ?
Avant de se lancer dans la conception du produit il convient de vérifier que le concept n’est pas un besoin seulement personnel.
D’autres personnes partagent-elles le même besoin ? La solution s’inscrit-elle dans un marché potentiel susceptible de générer une activité commerciale suffisamment étendue et rentable ? Quelle cible serait intéressée par le produit ?
La confirmation est venue de l’étude quantitative réalisée par le consultant Sylvain Ballester auprès de quelques centaines de randonneurs pédestres.
Prototypage et développement produit
A mes heures perdues, certains soirs ou week-ends, j’ai alors entrepris de créer des maquettes successives du concept. Ma compagne et ma mère (décédée depuis) m’ont aidé sur la couture textile. J’ai ainsi testé différentes solutions techniques sur tout un tas de fonctions issues d’une première analyse fonctionnelle.
Comment attacher la capuche aux bretelles d’un sac à dos ? Comment déployer la capuche ? Comment rehausser son point de pivot ? Comment verrouiller la capuche en position ouverte ? Comment assurer une bonne tenue de l’ensemble pour qu’elle ne touche pas la tête ? Quelle forme donner aux arceaux ? Quelle forme donner à l’ensemble ?
J’ai assez rapidement atteint mes limites en confection textile et ai cherché une expertise en prototypage. J’ai rencontré Patrick Mainguené, fondateur de la marque ECTOR de chaussures éco-responsables et made in France. Il a accepté de réaliser quelques prototypes.
Puis il m’a mis en relation avec Céline Morel, une prototypiste professionnelle spécialisée dans les vêtements et accessoires outdoor, notamment les sacs à dos. Une collaboration de deux ans a alors démarré et les maquettes sont devenues des prototypes. Une bonne dizaine de prototypes ont été réalisés et des centaines de tests ont été menés au fil des nombreuses itérations. En effet, une difficulté supplémentaire pour la conception de ce produit est l’absence de référence. Il n’y avait aucun produit existant sur lequel il était possible de s’inspirer, tant de la forme, des dimensions que des solutions techniques. Tout était à inventer. Ainsi, après avoir modifié un détail ou d’une dimension d’un côté du produit, on se rend compte que de l’autre côté du produit ça ne fonctionne plus !
Ainsi, on prototype, on teste, on modifie, on prototype, on teste, on modifie, etc. C’est une méthodologie typique de designer ! D’ailleurs l’une des itérations a été menée en collaboration avec le designer Maxime Blanco, mon associé d’alors au sein du Studio Pilag. Petit à petit, au fil des itérations, le concept a commencé à ressembler à quelque chose se rapprochant de plus en plus d’un « produit » !
Encore loin du Concours Lépine !
A ce stade, j’étais encore loin d’un produit viable, je n’avais pas encore trouvé le nom de ce qui est devenu la capuche Overcap. Je n’imaginais même pas un jour candidater au Concours Lépine !
Afin de continuer le projet, j’ai cherché à être accompagné. En effet, un projet tel que celui-ci nécessite des expertises spécifiques que personne ne peut posséder toutes à lui seul. Le marketing de l’innovation, la stratégie commerciale, la recherche de financements, sont des expertises dont j’avais besoin. Je ne me doutais pas qu’une seconde montagne à gravir m’attendait. Mais ça, c’est une autre histoire, que je raconterai dans un second épisode !
Fin de la première partie de cet article sur le long chemin vers le Concours Lépine
La seconde partie sera publiée dans 15 jours. A très vite !