Dans la première partie de cet article (à lire ici), je racontais comment j’avais eu l’idée d’Overcap, puis imaginé le concept et créé les premières maquettes et prototypes. Il ne me « restait » donc plus qu’à trouver une entreprise pour le fabriquer pour pouvoir ensuite le mettre en vente.
Vous pensez que c’est aussi simple ? Détrompez-vous ! Voici ce qui se passe dans la « vraie vie ».
L’accompagnement jusqu’au Concours Lépine
Dès le début, j’ai cherché à être accompagné car un projet tel que celui-ci nécessite des expertises globales que personne ne peut posséder à lui seul. Le marketing de l’innovation, la stratégie commerciale, la recherche de financements étaient nécessaires pour assurer le développement du projet. Pour cela, les différentes collectivités territoriales ont mis en place des incubateurs et pépinières d’entreprises.
Suite à ma candidature, j’ai été accepté en incubation à LR SET (Languedoc-Roussillon Sport Emploi Tourisme), association régionale créée en partenariat avec le Conseil Régional du Languedoc Roussillon et l’Etat (la DRJSCS). Malheureusement, à l’issue de la période de formation à la création d’entreprise, je n’ai pas été autorisé à présenter mon projet au Jury final. Mon projet était jugé « insuffisamment mature » car je n’avais pas encore de prototype du produit pour matérialiser le concept ni d’étude de marché « suffisante ». En résumé, certaines personnes de l’équipe n’ont pas cru dans le projet.
Ils n’ont pas cru au projet… ou en moi ?
Plus tard, j’ai contacté l’incubateur Innov’Up à Nîmes (Gard). La chargée d’affaires Mme C., m’a gentiment reçu pendant… 5 minutes. Avant que j’aie terminé ma présentation elle m’a interrompu avec une liste de questions. A peine avais-je commencé à répondre qu’une nouvelle salve de questions est arrivée, ne tenant pas compte des réponses déjà apportées. Et ainsi de suite. Entre-temps, elle prenait soin de saluer les « startupers » qui passaient devant la porte ouverte du bureau, en échangeant des infos, des sourires et des rappels de rendez-vous. Entretien stratosphérique !
J’ai alors rencontré un chargé d’affaires du BIC Montpellier, “l’un des meilleurs incubateurs de startups du monde”. Il m’a indiqué que l’incubateur était spécialisé dans les projets numériques, dits « software ». Mon projet « hardware » était jugé trop long, trop cher, trop risqué par rapport à un projet software. Ils m’ont réorienté vers la pépinière Via Innova qui selon eux accepte les projets « originaux ».
Quelques jours plus tard, j’ai contacté la pépinière d’entreprises Via Innova à Lunel (Hérault). Après un premier entretien « tout à fait normal » avec la chargée d’affaires Mme N., puis un pitch devant un jury, mon accompagnement a été validé ! Pendant cinq ans, Nathalie Demotier la Directrice de Via Innova a suivi les évolutions de mon projet.
Pendant l’industrialisation d’Overcap, j’ai adhéré à l’association Outdoor Sports Valley (OSV). Il s’agit du cluster des entreprises du secteur outdoor, situé en région Auvergne-Rhône-Alpes. Cet organisme est situé au cœur de l’écosystème de l’outdoor sportif français, en Annecy et Chambéry, non loin de Grenoble et des massifs montagneux des Alpes. Hélas, pour profiter de cet écosystème il faut être sur place. Depuis Montpellier située à 5 heures de route, je n’ai pas pu m’y intégrer. De plus, le secteur outdoor est en réalité très conservateur, axé sur les performances et les sports d’action, voire extrêmes. Le projet Overcap, orienté vers le confort et les activités calmes, n’a pas reçu d’intérêt particulier, au-delà d’une curiosité initiale envers cet objet « OVNI ».
Le financement
Pour financer l’étude de faisabilité technique (prototypage) et l’étude de faisabilité commerciale (étude de marché), j’ai candidaté à deux dispositifs de financement de la Région Languedoc-Roussillon : le PFC et le PFC. Ma demande a été refusée par la Directrice de l’époque, Mme V…, qui a considéré que j’étais partie prenante dans un autre gros projet financé par la Région. Il se trouve que je travaillais encore à mi-temps dans une entreprise qui développait une nouvelle technologie de stockage d’énergie. Cette société avait déposé une demande de financement public pour plusieurs centaines de milliers d’euros. Mme V… a « cru » que j’étais l’un des porteurs du projet. Mon nom figurait en effet dans le dossier, mais en tant que simple salarié ! Malgré mes explications détaillées et ma demande de ré-examen du dossier, elle n’a rien voulu savoir…
De refus en refus
Ce fut le début d’une longue liste de refus : Bpifrance, Région Occitanie, Crealia, etc. Les motifs n’ont pas manqué : mono-entrepreneur, projet de produit hardware (et non pas numérique), marché de niche, entreprise pas encore créée, puis entreprise déjà créée, projet pas assez avancé puis projet trop avancé, montant d’investissement trop faible, puis preuve de marché inexistante, puis preuve de marché insuffisante, puis fonds propres insuffisants, etc.
A un moment, nous avons fait le point avec mon interlocuteur de l’Agence Adocc, organisme de la Région Occitanie qui accompagne les entreprises dans leurs projets d’innovations. Nous avons dressé le bilan de toutes les candidatures aux dispositifs de financements publics disponibles et adaptés à mon projet. Aucune réponse positive !
Côté banques, ce ne fut pas plus concluant, mais je m’y attendais cette fois. En effet, elles ne financent pas l’innovation car c’est trop risqué selon leurs critères. Elles ne financent pas le besoin de fonds de roulement, ni la constitution d’un stock, ni la prospection commerciale. Les plus hardies d’entre-elles peuvent à la rigueur financer des investissements dans les machines, sous réserve de leur montrer des lettres d’intention de clients – ou mieux, des commandes signées. Elles demandent aussi bien sûr de fournir des bilans sur plusieurs années…
En réalité, tout au long du projet – de l’idée à la mise sur le marché du produit – j’ai bénéficié de deux soutiens financiers publics. J’ai perçu 3 000 euros de la Région Occitanie comme prix pour ma victoire au Concours Sportup Summit en 2017. Cela m’a permis de financer la création de ma société OXAZ. J’ai perçu une subvention de la Région Occitanie pour financer mon accompagnement par Open Tourisme Lab. Initialement annoncé à 40 000 euros par l’accélérateur, le montant de la subvention fut réduit, après avoir intégré l’accélérateur, à… 20 000 euros. L’accompagnement par l’accélérateur a consisté à me délivrer des conseils pendant un an.
Pôle emploi, le meilleur soutien financier
En fait, le plus grand financeur public pour le lancement du projet fut… Pôle Emploi (maintenant “France Travail). En effet, sans les indemnités de chômage liés à ma carrière précédente en tant que salarié dans le privé, je n’aurais pas pu avancer.
Pendant tout le développement du projet j’ai également cherché un ou des associés, ainsi que des investisseurs privés. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas eu le succès escompté.
Le crowdfunding, une vraie solution
Une solution fut le financement participatif, sur la plateforme Indiegogo. A l’issue de ce sprint-marathon d’une durée d’un mois, l’objectif fut dépassé : 150 précommandes,15 000 euros levés. Ce n’est pas le million d’euros atteint par certaines startups High Tech (lesquelles bénéficient de moyens financiers énormes). Mais ce n’est pas non plus ridicule. Cela m’a permis de faire la preuve du marché en BtoC, alors que personne n’y croyait. Cela a permis de financer une partie de l’industrialisation du produit.
Vous qui lisez ces lignes, si vous souhaitez soutenir le projet Oxaz, devenir partenaire, investisseur ou associé, contactez-nous !
L’industrialisation
Mon ambition était de maximiser la part française ou européenne de fabrication de l’Overcap. Avec un produit d’une telle complexité de confection, je savais qu’une fabrication 100% made in France allait être difficile à mettre en œuvre. En effet, le savoir-faire nécessaire et les machines utilisées sont ceux de la bagagerie (sacs, valises) et non pas ceux du vêtement.
En outre, ma volonté de créer un produit éco-conçu – c’est à dire durable et démontable pour être réparable – entraîne une confection plus compliquée. Dès lors, les ateliers de confection français possédant cela sont moins nombreux.
De plus, la part de main d’œuvre élevée pour ce produit complexe allait impliquer des coûts élevés. Les consultations des industriels ont confirmé cela. Les devis de prix pour du « 100% made in France » ont confirmé l’impossibilité d’atteindre une rentabilité économique minimum acceptable. La solution était dans une confection partielle ou totale en Europe ou en Asie.
Des industriels français peu intéressés
Par ailleurs, certains ateliers français n’étaient pas intéressés par le volume trop faible de ma commande. D’autres ont donné la priorité à des clients plus gros, des marques plus connues. Ainsi, j’ai échangé pendant un an avec un atelier de confection textile implanté vers Marseille et disposant d’une usine en Tunisie. La veille de la réunion de lancement de l’industrialisation, ils m’ont annoncé qu’ils ne donneraient pas suite au projet !
Après des recherches en urgence, j’ai déniché un autre atelier français, avec son usine en Chine. Après un ou deux mois d’échanges, il a fini par « faire le mort ». Le troisième atelier de confection, sur le même modèle, a accepté de travailler sur le projet. Après quelques mois d’échanges et le temps d’effectuer une demande de visa, je suis allé à leur atelier en Chine pour la réalisation du premier prototype industriel. Revenu en France j’étais satisfait de la qualité du travail effectué et du devis permettant d’espérer une rentabilité minimum.
J’avais le sentiment de commencer à sortir du tunnel !
En parallèle, j’avais travaillé efficacement avec une entreprise française sérieuse et fiable pour l’injection plastique des pièces plastiques du pivot de la capuche Overcap. J’avais déniché une société portugaise capable de produire les arceaux d’Overcap en injection plastique. En effet, toutes les entreprises françaises que j’avais consultées m’avaient assuré que c’était impossible à faire.
La découverte du e-commerce
De plus, j’avais beaucoup travaillé sur la transformation du site internet « vitrine » en un site de marque avec une boutique de vente en ligne. La création des fiches produit, la création du contenu (textes et photos), la création de la grille des frais de livraison pour chaque pays ou zone géographique. Mais aussi la gestion du parcours de paiement du client, la gestion de la TVA et des taxes d’exportation, la création des pages de présentation d’Overcap et de ses accessoires. Mais aussi la politique de confidentialité des données (RGPD), la politique des cookies, les conditions générales de vente. Et enfin le clonage du site en anglais !
Nouvelle défaillance au moment crucial
Or, c’est au moment de lancer la production que l’atelier de confection textile s’est mis à faire le mort… Rebelotte !
Après une sollicitation en urgence de mon réseau pour trouver une solution. Patrick – encore lui ! – me donne un nom, j’appelle et prends rendez-vous. Quinze jours plus tard, j’obtiens l’accord de l’atelier – des français installés à Paris avec leur usine en Chine – pour fabriquer Overcap. Six mois plus tard, je valide le Golden Sample pour lancer la production.
Enfin !
Le lancement commercial et le Concours Lépine
Avec toutes les péripéties de l’industrialisation d’Overcap, le projet avait pris 12 mois de retard. Les contributeurs de la campagne de financement participatif avaient précommandé Overcap – donc payé à l’avance – et attendaient patiemment la livraison leur Overcap !
“Patiemment”, car j’ai pris soin de les tenir régulièrement informés de l’avancement du projet au travers d’une infolettre mensuelle. Deux infolettres en réalité : une en français, une en anglais. Le fait de partager avec eux les avancées et les contretemps du projet leur a permis de comprendre et de patienter.
Une communauté compréhensive
Aucun d’entre eux n’a manifesté le moindre empressement ni n’a demandé à être remboursé de sa précommande ! Je les remercie à nouveau chaleureusement de leur soutien.
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Début 2019, je m’étais inscrit au Concours Lépine, mais la pandémie du COVID 19 a entraîné le report d’un an, puis de deux ans de l’évènement. Finalement, il fut confirmé pour octobre 2021. Comme cela coïncidait avec la date prévue de livraison des Overcap, j’ai décidé d’organiser le lancement commercial officiel d’Overcap à cette occasion. En effet, le Concours Lépine se déroule lors de la Foire de Paris qui dure quinze jours. Pendant cette période, les candidats tiennent un stand pour exposer et vendre leurs produits !
Livraison in-extremis
Les préparatifs ont eu lieu dès la rentrée de septembre : création et impression des documents de communication, confection des éléments du stand. Début octobre, tout était prêt et livré, y compris les pièces détachées pour l’assemblage d’Overcap : pièces plastiques, arceaux, ressorts… sauf les pièces textiles ! Un retard de lancement de la production avait eu lieu au début de l’été. Puis un retard du transport – encore une conséquence du COVID 19 ! – avait décalé la livraison à mi-octobre ! Finalement, les cartons contenant les pièces textiles sont arrivés le 15 octobre, alors que le salon commençait le 23 !
Sprint pour l’assemblage des Overcap
Les cinq jours et les cinq nuits qui ont suivi ne furent qu’un seul atelier d’assemblage des Overcap. Le séjour de la maison fut transformé en un atelier encombré de cartons, de pièces plastiques et textiles et toute la famille a apporté sa contribution ! Mathilde, une jeune alternante récemment embauchée, m’a aidé à finaliser les cartons. Nous avons pu expédier les 150 Overcap précommandées sur Indiegogo. Nous avons aussi assemblé un stock de capuche et chargé le camion pour le montage du stand à la Foire de Paris.
Le Concours Lépine : un marathon de 11 jours
Le salon a duré onze jours : j’ai découvert la difficulté de tenir un stand pendant aussi longtemps ! C’est une épreuve physique et mentale. Il faut rester en bonne forme physique pour piétiner sur place 10 heures par jour. Et faire et refaire la démonstration du produit, sans cesse… Il faut rester souriant, accrocheur, avenant et respectueux malgré un public très varié, parfois moqueur voire même à la limite de l’insulte…
Onze jours plus tard, l’accueil positif réservé à Overcap s’est conclu en beauté lors de la cérémonie de remise des prix le dernier soir du Concours. J’eus la joie de recevoir une médaille d’or ! Une demi-heure plus tard, j’étais à nouveau appelé sur scène pour recevoir une seconde médaille : la médaille du Ministère des Armées !
Conclusion
Le développement d’Overcap fut un parcours du combattant. Ceci est d’autant plus vrai que dans ma région un projet de produit physique est moins soutenu qu’un projet « digital ». En effet, un produit « hardware » comme on dit, est jugé « plus risqué, plus long, plus cher ». En parallèle, j’ai vu de nombreuses startups « numériques » bénéficier de beaucoup de soutien et de grosses levées de fonds, sur des projets « disruptifs » mais aux modèles d’affaires non encore définis…
Lorsque l’on tient un produit entre nos mains, nous ignorons souvent la difficulté du processus qui a abouti à sa création. Nous pensons que le plus difficile est d’avoir une idée. Non, le plus difficile est de concrétiser une idée en un produit industrialisé. Il faut aussi le commercialiser au bon moment – ni trop tôt ni trop tard. Et s’il trouve ses clients (le fameux Product Market Fit) alors l’invention devient une innovation.
« Long le chemin est » jusqu’au Concours Lépine !
En résumé, comme le dit un célèbre Maître Jedi : « Long le chemin est ! ». Et il est semé d’embuches et de montagnes russes émotionnelles. Il faut vivre cette expérience pour se rendre compte à quel point la maxime « ne jamais rien lâcher » s’applique particulièrement à la création d’un produit tel que la capuche Overcap !
Merci aux premiers clients Overcap !
Enfin, je tiens à nouveau à remercier toutes celles et ceux qui m’ont accompagné lors de cette aventure éprouvante mais passionnante. Ma famille, ma compagne et mes filles, pour leur soutien sans faille ! Merci aussi à Pôle Emploi et surtout un grand merci à tous les contributeurs de la campagne de financement participatif sur Indiegogo en 2020. Sans eux, Overcap n’aurait jamais pu devenir une réalité !
Afin de les mettre en valeur, voici leurs noms, dans l’ordre chronologique des précommandes :